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Dans les prochains articles, nous n’allons pas parler de Python, Java ou Ruby, mais d’un langage que l’on utilise tous les jours en tant que QA : le « langage naturel« . Par commodité, c’est comme ça que l’on nomme le langage que l’on parle aussi bien à la maison qu’au bureau. Mais il n’a rien de « naturel » ; nous allons au contraire nous pencher sur des manières de le modeler, de le ciseler, afin de le rendre plus efficace, plus à même de servir la qualité des projets. Nous allons pour cela nous appuyer sur le procédé de la métaphore.
Pourquoi cette figure de style en particulier ?
Le mois dernier, sur le blog de la Taverne du Testeur, Marc Hage Chahine filait une longue métaphore sur le métier du test en le mettant en parallèle avec une chasse aux champignons. L’article allie l’utile à l’agréable en poursuivant un but bien précis : donner une explication d’un processus complexe, de façon à ce qu’un enfant de 6 ans puisse la comprendre.
Le résultat est assez réussi. Pourquoi ? Parce qu’en sollicitant un univers sémantique familier, on peut faciliter la compréhension d’un autre univers plus difficile à imaginer. Autre avantage : l’interlocuteur peut poursuivre la métaphore et ainsi alimenter la discussion, beaucoup mieux que s’il n’avait pas ce point de repère. Il peut par exemple se replonger dans un embarras qu’il a déjà vécu (ramasser un caillou qu’il prenait de loin pour un champignon) pour imaginer certaines situations du métier (la frustration des QA qui tombent sur des faux positif).
Et les métaphores sont partout. D’ailleurs, elles constituent souvent le ressort comique des memes et des GIF. Un exemple ?
On dit souvent qu’une image vaut mille mots. Mais ce qui est vrai à l’écrit, avec les graphiques et les illustrations (et, donc, les GIF), l’est donc aussi à l’oral, avec les métaphores. La formulation d’une idée peut avoir un impact notable sur la façon dont le cerveau de l’interlocuteur est stimulé. Ces dernières années, des chercheurs se sont même employés à le confirmer expérimentalement.
Le psychologue Rutvik Desai, dans un article paru en 2011, a par exemple observé que les verbes d’action, y compris ceux qui étaient présents dans des métaphores, faisaient réagir les zones moteur du cerveau (source [PDF]). Ce qui pourrait signifier que la phrase « Il va falloir qu’on se serre les coudes pour terminer cette campagne de test » est plus stimulante que « Il va falloir qu’on s’entraide […] ». A noter : plus une métaphore est commune, moins elle active les zones moteur du cerveau. Quand on dit qu’on saisit l’intérêt de quelque chose, l’image de la préhension est assez lointaine. C’est comme si le cerveau avait besoin d’un effet de surprise pour que la métaphore joue son rôle.
Des résultats similaires ont été obtenus par l’université d’Emory en 2012 avec des métaphores contenant des références au toucher (source). Là, par exemple, on pourrait remplacer « Votre implication m’a fait très plaisir » par « m’a fait chaud au coeur ».
On voit bien pourquoi les ouvrages de fiction nous donnent l’impression de nous évader ; l’imagination, entendue comme production d’images mentales, peut mettre en action les zones du cerveau impliquées dans les mêmes actions lorsqu’on les vit réellement. De la même manière, on peut aussi supposer que les métaphores, lorsqu’elles sont utilisées au travail (pour susciter l’attention, expliquer une idée, défendre un point de vue, motiver une équipe…) peuvent jouer un rôle intéressant.
C’est en tous cas ce que nous avons pensé en lisant l’excellent ouvrage More Agile Testing (2014) de Janet Gregory et Lisa Crispin. Le propos, truffé de métaphores intéressantes, en est d’autant plus limpide et stimulant. Nous avons donc décidé d’en sélectionner quelques-unes et de les développer dans une série d’articles.
Pour entrer dans le vif du sujet, voici la première métaphore de notre série, qui vous permettra peut-être de résoudre des situations de conflits d’intérêts.
Vous en avez assez de ressasser le sempiternel triangle Coût-Temps-Qualité. Dans certains contextes, vous avez besoin d’une autre image pour faire comprendre que la qualité prend du temps au début, mais qu’il serait contre-productif de la négliger.
Parole à David Evans, coach agile (traduit par nos soins) :
« Le management se montre parfois réticent lorsque je préconise d’écrire collaborativement les tests d’acceptation avant de se lancer dans l’implémentation de chaque story. On m’objecte généralement que cette tâche ralentirait la vélocité du développement. Je leur concède qu’en effet, en une certaine mesure, ça ralentit les choses. Cela dit, s’arrêter pour prendre des passagers ralentit aussi le trajet d’un bus. »
Il cite ensuite Kent Beck dans Test-Driven Development: By example (2002).
« Si écrire des tests d’acceptation avant de se lancer dans l’implémentation ralentit une chose, c’est bien la vitesse de création de code qui ne marchera pas. »
La métaphore du bus met en oeuvre un raisonnement absurde :
Si l’on suit cette logique, les transports publics gagneront en rapidité mais le résultat final ne correspondra en rien à ce qui était attendu. Les usagers résilieront leur abonnement, congestionneront le centre ville avec leurs voitures personnelles et critiqueront les transports publics sur les réseaux sociaux.
Nous vous proposons de filer la métaphore d’une manière qui vous permettra maintenant de rejoindre votre interlocuteur. Il s’agit d’abonder dans son sens dans la première partie de l’argumentation, mais de proposer d’autres solutions pour accélérer le trajet du bus. La métaphore devient ici force de créativité. En se projetant dans la problématique du bus, on quitte le quotidien du projet et on suscite de nouvelles idées.
Un exemple :
Ou encore :
La métaphore nous a servi ici à combattre une idée allant à l’encontre de la qualité du projet, de rejoindre son interlocuteur et d’entamer avec lui une discussions sur l’amélioration des processus.
Les métaphores peuvent donc être utilisées pour mieux nous faire comprendre, en particulier lorsque le sujet est complexe. Mieux encore, en nous faisant voir les choses sous un autre angle, elles peuvent initier une réflexion et susciter de nouvelles idées.
Merci au Guichet du Savoir pour les recherches bibliographiques sur la confirmation expérimentale de la puissance de la métaphore ainsi qu’à Audrey Loiseau qui nous a transmis le GIF. Et merci à vous, qui posterez vos propres métaphores dans les commentaires !
Nous publierons prochainement une autre métaphore issue de More Agile Testing.
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