2 janvier 2025 Hors série Interviews et témoignages
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Vis ma vie numérique – Cyriaque Delaveau, développeur sans clavier ni souris

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En décembre 2024, nous avons profité de la fin de l’année pour en apprendre un peu plus sur Cyriaque Delaveau, un étudiant développeur rencontré lors d’une de nos prestations. Cyriaque a comme objectif de devenir Développeur Web Full-Stack et il apprécie particulièrement de travailler sur le Front-End et le Back-End mais aime également tout ce qui touche de loin ou de près à l’analyse de données. Il vient de terminer sa licence professionnelle MIAW (Métiers de l’Informatique Applications Web) et approfondit ses connaissances dans le cadre de son alternance. Un dev comme les autres ? Oui, car il s’intègre parfaitement dans son équipe, tant d’un point de vue technique que méthodologique et relationnel. Et non, car Cyriaque n’utilise ni clavier, ni souris. Vous pensez que c’est impossible ? Continuez de lire !

Interview

Hightest : Bonjour Cyriaque ! Peux-tu te présenter ?

Cyriaque Delaveau : Je m’appelle Cyriaque Delaveau, j’ai 23 ans et je suis atteint d’une myopathie de Duchenne. Je suis actuellement à la fin de ma licence professionnelle MIAW. J’ai eu une scolarité tout à fait normale jusqu’en Seconde, puis en raison d’un souci de santé, j’ai terminé mes années de Lycée en service hospitalier. J’ai validé mon DUT MMI (Diplôme Universitaire de Technologie Métiers du Multimédia et de l’Internet) avant de quitter l’hôpital en Décembre 2022 pour entrer dans un foyer de vie pour adultes en situation de handicap.

Ma recherche d’entreprise pour mon alternance a été très compliquée, après une vingtaine de refus successifs, une seule entreprise à bien voulu me donner une chance. À vrai dire, j’ai songé à plusieurs reprises abandonner mais je m’étais fait une promesse à moi-même quand j’étais au collège, à savoir : intégrer une licence informatique par tous les moyens, et prouver qu’elles avaient tort à ma conseillère d’orientation et toutes les personnes qui m’ont imposé des filières administratives pour seul motif mon handicap, sans même prendre le temps d’écouter mes vœux d’orientation.

En 2019, j’ai perdu un peu de mobilité dans les mains et les doigts à cause de l’évolution de mon handicap, rendant impossible l’utilisation de mon ordinateur portable. J’ai rencontré Christelle, une employée de Mieux-Être (magasin de matériel médical), qui m’a présenté et fait essayer une commande oculaire me permettant d’utiliser mon PC avec le mouvement des yeux. Ça va faire maintenant 5 ans que j’utilise cette technologie au quotidien, l’apprentissage à était plutôt rapide et facile pour apprendre les fonctionnalités de base. Au bout de deux semaines, j’avais fait le tour de toutes les fonctionnalités et possibilités d’utilisation, mais même aujourd’hui, il m’arrive encore d’être surpris par les possibilités de cette technologie, notamment pour le dessin.

Hightest : Quelles technologies utilises-tu afin de développer sans clavier ni souris ?

Cyriaque Delaveau : Pour développer sans clavier ni souris, j’utilise une commande oculaire, le Tobii PCEye 5, qui détecte les mouvements de mes yeux. Pendant l’installation, on crée un profil adapté à mes besoins : si je porte des lunettes ou des lentilles, la vitesse à laquelle je veux scroller, le temps que je dois fixer un point pour cliquer. Le PC Eye 5 remplace la souris et le clavier grâce au logiciel TD Control. En gros, je peux piloter tout mon ordinateur avec mes yeux, même si je porte des lunettes. Il est compact, super facile à installer avec un support aimanté, et il fonctionne sur les ordis et tablettes sous Windows 10 ou 11. Chaque utilisateur peut avoir ses réglages persos, comme la vitesse ou le mode d’activation. Il est même compatible avec Windows Hello, donc je peux déverrouiller mon ordi juste avec mes yeux. Si besoin, je peux ajouter des logiciels comme Track and Learn pour enregistrer les mouvements des yeux. Grâce à cet outil, je peux coder, naviguer et utiliser mon ordi facilement, même sans clavier ni souris.

Avant, j’utilisais une souris sans fil et un clavier virtuel sur un ordinateur portable classique. Quand j’ai dû passer à la commande
oculaire, ça n’a pas été simple. J’étais pas du tout emballé, parce qu’accepter cette technologie, c’était un peu comme accepter que mon
handicap avait évolué. Au début, j’étais réticent, mais après quelques essais, j’ai vite réalisé que cette solution me permettait de garder mon autonomie et de continuer à travailler comme avant. L’apprentissage a été rapide : en deux semaines, je maîtrisais les bases, et avec le temps, j’ai découvert des fonctionnalités que je ne pensais même pas possibles.

Hightest : Concrètement, comment clique-t-on avec les yeux ?

Cyriaque Delaveau : Cliquer avec les yeux, c’est très simple. Tu fixes une zone de l’écran, et après un petit temps d’attente, qui peut être modifié en fonction de tes préférences, le clic se fait automatiquement. Un cercle ou une animation te montre que le clic est en préparation. Tu peux régler la durée de fixation et choisir entre clic gauche, clic droit ou double clic et d’autres fonctionnalités encore via un menu d’interaction. Pour taper du texte, un clavier virtuel s’affiche, et tu sélectionnes les touches avec ton regard. En gros, ton regard remplace le déplacement de la souris et la durée de fixation de ton regard remplace le clic. Pour te donner un ordre d’idée, ma sensibilité pour la durée de fixation avant interaction et la vitesse d’activation des boutons est réglée sur 450 millisecondes, en sachant que le maximum est de 350 millisecondes pour durée et 200 millisecondes pour la vitesse.

Pour permettre de mieux comprendre le fonctionnement de la commande oculaire, Cyriaque a réalisé cette vidéo de démo de PCEYE5 :

Hightest : Qu’est-ce qui t’a amené à choisir le métier de développeur ?

Cyriaque Delaveau : J’ai choisi le métier de développeur parce que je suis passionné par la technologie et fasciné par son potentiel. Mon DUT MMI m’a donné un premier aperçu du développement et a renforcé mon envie de créer des solutions concrètes et utiles. Je me suis également lancé ce défi personnel pour prouver que mon handicap n’est pas une limite et pour tenir la promesse que je me suis faite au collège. Enfin, je vois dans ce métier une opportunité de contribuer à des projets innovants tout en relevant des défis techniques passionnants.

Hightest : Précédemment, tu as contribué au développement d’une application axée sur l’accessibilité. Peux-tu nous en dire plus ?

Cyriaque Delaveau : J’ai participé à la réalisation du module d’accessibilité web Tenjity, pendant mon stage de dernière année de DUT MMI. Mon maître de stage, un Senior Web Developer très engagé sur l’importance de l’accessibilité dans le Web, m’a guidé tout au long du projet. À cette époque, je n’avais pas encore beaucoup de compétences en programmation, donc ma contribution s’est concentrée sur la rédaction des documents techniques des fonctionnalités du module. Tenjity est un module d’accessibilité web gratuit et convivial, conçu pour être facile à installer et compatible avec tous les principaux navigateurs. Il propose des profils prédéfinis pour différents types de handicaps, tout en permettant une personnalisation selon les besoins spécifiques de chaque utilisateur. L’objectif de Tenjity est de rendre le web plus inclusif en offrant des outils qui facilitent l’accès aux contenus en ligne pour tous. Par exemple, si l’utilisateur est dyslexique il peut activer le profil “Dyslexique”, ce qui remplace toutes les polices d’écritures du site par une police plus adaptée (OpenDyslexic). Pour l’anecdote, le nom Tenjity a été inspiré par les Tenji Blocks, des dispositifs japonais destinés à aider les personnes malvoyantes à se déplacer grâce à des blocs tactiles installés au sol. Ce lien avec l’accessibilité et l’innovation a donné toute son identité au projet.

Hightest : Es-tu actuellement en recherche d’emploi ? Si oui, quel serait le type de poste qui te plairait le plus ?

Cyriaque Delaveau : Effectivement je suis en recherche d’emploi, faire de longues études ne fait pas partie de mes perspectives même si j’aurais bien aimé. L’idéal pour moi, serait un poste de développeur web junior, en full télétravail et en temps partiel. Au vue des soins médicaux quotidiens que j’ai, être en temps plein me paraît assez compliqué voire impossible. De plus, j’ai une maladie dégénérative, d’ici trois à cinq ans, je ne serai plus en mesure de faire quoi que ce soit, d’où le temps partiel.

Hightest : L’accessibilité est un sujet qui te concerne non seulement en tant que dev, mais aussi en tant qu’internaute. Quels sont les bugs d’accessibilité les plus fréquents que tu rencontres et qui sont des obstacles pour toi ?

… La réponse de Cyriaque est à découvrir dans notre prochain article. Il a d’ailleurs mobilisé quelques amis qui ont eux aussi témoigné des bugs rencontrés au quotidien !

Merci à Cyriaque pour cet échange qui illustre une fois de plus la diversité des profils d’internautes et l’importance d’intégrer ces profils en entreprise. Nous invitons les organisations numériques calédoniennes offrant des postes de dev web full-stack junior à prendre contact avec lui !

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