Les longs récits de conférence n’intéressent personne, nous ne vous dirons donc pas à quel point TestBash Australia 2019 a été stimulant, merveilleux et inspirant ! En revanche, nous voudrions partager avec vous un atelier proposé à cette occasion par Mark Winteringham (merci à lui !), et que vous pourriez avoir envie de réaliser avec votre équipe.
L’idée de cet atelier est de mettre en lumière les différentes représentations que l’on a des tests automatisés. C’est un travail collectif qui permet de se rendre compte des images, attentes, déceptions et points de blocages liés à l’automatisation des tests. Bref, de mettre en lumière des pensées qui bien souvent nous habitent sans que nous en ayons conscience ! Selon nous, il s’agit d’une démarche très intéressante, et nous comptons déjà cet atelier parmi les outils phares de l’automatisation des tests.
La théorie des médias et sa tétrade
La théorie des médias de Marshall McLuhan est à la base de cet atelier. Disons d’abord quelques mots là-dessus pour ne pas se perdre dans les concepts !
Qu’est-ce qu’un média ?
Ce terme peut être compris de trois manières différentes :
- Les médias comme moyens de diffusion d’information
- Les médias comme techniques et matériaux qu’utilise l’artiste pour créer
- Les médias comme l’ensemble des techniques et objets qui modifient notre façon d’interagir avec le monde, en étant une sorte de prolongement de nous-mêmes. Ça englobe énormément de choses ! Les cuillères, les jeux de société, les alphabets. Et tout ce qu’englobent les deux précédents points. En fait, il ne nous semble pas maladroit de dire que « média » peut être compris comme « outil » au sens large.
C’est la troisième acception du terme qui est à l’œuvre dans l’atelier de Mark Winteringham.
Les quatre axes de lecture d’un medium
Dans Laws of Media: The new Science (publié en 1988), Marshall McLuhan considère que les médias (ou outils) comportent tous 4 problématiques.
En effet, chaque média :
- Propose une extension, une amélioration.
- Par exemple, un blog améliore notre capacité à partager nos idées, nous donne de nouvelles occasions d’échanger avec des personnes intéressantes, nous permet de figer et de pérenniser une réflexion à un instant donné.
- Autre exemple, un vélo électrique permet de faire des trajets plus longs et moins pénibles (Nouméa est une ville vallonnée !)
- Rend quelque chose obsolète.
- Dans certains cas, les blogs rendent obsolètes les longs circuits de relecture et de validation qui peuvent exister dans le monde de l’imprimé, car si une coquille est constatée dans un article, elle peut être corrigée immédiatement.
- Le vélo électrique rendra sans doute jaloux votre vélo musculaire.
- Ramène à nous un média plus ancien, éveille des représentations.
- La blogosphère pourrait rappeler par exemple la circulation des idées dans les salons du XVIIIème siècle.
- La facilité de déplacement procurée par le vélo électrique pourrait vous rappeler votre expérience à scooter, par exemple.
- Produit l’effet inverse à celui escompté lorsqu’il est poussé à l’extrême.
- Si tout le monde passe son temps à produire de nouveaux articles de blog, plus personne n’a le temps de lire ou de s’intéresser à ce qu’écrivent les autres ; la notion de réseau disparaît.
- Si vous n’utilisez plus que votre vélo électrique, vous perdrez une partie des bénéfices que vous aviez obtenus dans le passé en passant de la voiture au vélo musculaire.
Ces quatre problématiques sont schématisées par une tétrade.
Les automates de test : un média comme les autres ?
L’objet de l’atelier de Mark Winteringham est de questionner les automates de test en tant que média.
Déroulement de l’atelier
Pendant quelques minutes, par petits groupes de réflexion, on écrit sur des post-its des aspects de l’automatisation des tests répondant aux questions suivantes :
- Que nous apporte l’automatisation des tests ?
- Qu’est-ce que l’automatisation des tests rend obsolète ?
- Que nous évoquent les tests automatisés ?
- Lorsqu’elle est poussée à l’extrême, en quoi l’automatisation des tests produit-elle l’effet inverse à celui escompté ?
A l’issue de ces quelques minutes d’échange en petit groupe, chaque partie de la tétrade est traitée collectivement. Chaque groupe explique aux autres les points qu’il a relevés, et le débat se poursuit collectivement.
Les tests automatisés au prisme de la tétrade
Apports de l’automatisation des tests
Quand on se pose la question dans l’absolu, en-dehors de tout contexte, il est difficile d’innover sur le premier point. Celui-ci donne d’ailleurs déjà lieu sur le web à une infinité d’argumentaires plus ou moins teintés de velléités commerciales.
En revanche, au sein d’un contexte dédié, cela a beaucoup de sens de s’interroger sur ce qu’apportent au quotidien les tests automatisés. Posez-vous donc bien la question : dans notre organisation, qu’apporte l’automatisation des tests ?
L’obsolescence induite par les tests automatisés
Le deuxième point, la question de l’obsolescence, questionne sur la vision « avant / après » ; quelles pratiques, artefacts et pensées ont disparu depuis la mise en place de l’automatisation des tests ? On s’interroge sur ce que l’automatisation vient remplacer.
L’imagerie de l’automatisation des tests
Le troisième point se démarque des autres car il est question avant tout de représentations. Il est intéressant de se demander quelles images font surgir les tests automatisés. Voyez-vous l’automatisation des tests comme une armée de robots rebelles dont vous êtes responsable ? Ou bien comme un tableau de bord comme ceux qu’on voit dans les vaisseaux spatiaux de films de science-fiction ? Il est possible aussi que l’automatisation des tests change la vision que vous avez de vous-mêmes. Prenez le temps de vous interroger sur toutes ces représentations que vous pouvez avoir.
Le côté obscur des tests automatisés
Sans surprise, c’est le dernier point qui a suscité le plus de réflexions intéressantes. Il permet d’identifier ou d’anticiper les pièges qui jalonnent les projets d’automatisation des tests. L’exercice de pensée consistant à pousser au maximum les caractéristiques du médium jusqu’à ce que ses avantages deviennent des inconvénients est particulièrement stimulant. Cela nous a rappelé entre autres la logopathie, l’automatite et la scalophobie (vous vous souvenez peut-être de ces maladies imaginaires de l’automatisation des tests…)
A vous de jouer !
Par choix, nous n’en disons pas plus sur les éléments qui sont ressortis de cet atelier à Sydney ; maintenant c’est à vous de jouer et nous ne voudrions pas influencer vos découvertes !
Encore une fois, merci à Mark Winteringham pour cet atelier très intéressant et pour nous avoir fait découvrir ce concept sociologique. Merci aussi à toute l’équipe de TestBash Australia 2019 d’avoir réuni à Sydney d’illustres spécialistes en qualité logicielle (Angie Jones et Nicola Sedgwick notamment) et mis à disposition des contenus d’une excellente qualité.
Bonus : l’équipe de test comme média
La théorie des médias de McLuhan est un outil particulièrement fécond pour questionner les outils et leurs pratiques. Nous avons trouvé sur le web un article qui questionne la notion d’équipe de test à la lumière de cette théorie. Une lecture très intéressante (en anglais) que nous vous conseillons.
Bonus 2 : Marc Winteringham est l’auteur d’un site web (anglophone) riche en ressources sur le test logiciel et que nous vous invitons à consulter.
Crédits images : Merosonox (pour le schéma de la tétrade)