Au cours de la présente série, nous nous attelons à étudier ce qui motive les individus à exercer le métier du test, en nous servant du framework Octalysis inventé par Yu-Kai Chou, grande référence dans le monde de la gamification.
La semaine dernière, nous évoquions les 2 leviers motivationnels positionnés pile sur l’axe horizontal de l’Octalysis : la possession (levier 4), liée à la motivation extrinsèque, et l’influence sociale (levier 5), tournée vers la motivation intrinsèque.
Dans ce dernier article de la série, nous étudierons aujourd’hui deux autres leviers opposés par rapport à l’axe vertical : la rareté et l’impatience (levier 6) et la curiosité et l’imprévisibilité (levier 7).
Note préalable : pour bien comprendre cet article, nous vous conseillons de lire d’abord les 4 premiers articles de cette série !
- 1/5 : Pourquoi gamifier le test logiciel ? Cet article évoque les enjeux de la gamifications pour aller au-delà des clichés. L’Octalysis de Yu-Kai Chou est brièvement présentée.
- 2/5 : Chevaliers de la qualité ou esclaves des anomalies ?
- 3/5 : Tester pour le plaisir ou pour la gloire ?
- 4/5 : Le test, ma team et mes bugs
Pour rappel, voici une représentation de l’Octalysis :
Tout ce qui est rare… semble précieux
Le levier 6, celui de la rareté et de l’impatience, est celui qui nous pousse à profiter de tout ce qui est à la fois agréable et limité en quantité, en temps ou en disponibilité.
Certains jeux exploitent à fond ce levier ; Yu-Kai Chou prend pour exemple Candy Crush, qui « torture » le joueur en lui imposant de longs délais d’attente jusqu’à ce qu’il puisse lancer sa prochaine partie. Sans cette astucieuse limitation de temps de jeu, il est possible que le joueur finisse par se lasser des mécanismes passablement répétitifs de ce best-seller (« Candy Crush… ça me casse les bonbons ! »).
On comprend bien pourquoi ce levier est dans la partie basse de l’Octalysis, à savoir la partie « Black hat » qui met le joueur (ou l’utilisateur) dans une position de passivité. Ici, le joueur ne joue pas selon ses propres règles, et en particulier il ne peut pas agir en fonction de sa propre temporalité. Pour autant, tout ce qui est « Black hat » n’est pas à proscrire ; il est possible de se sentir tout à fait épanoui au sein d’une expérience qui comprend le juste dosage de ce levier.
Retrouve-t-on ce levier dans le métier du test ? Assurément.
- Nous passons nos nerfs sur les applicatifs qui ne présentent pas de bug au premier abord (« Il doit y en avoir, c’est sûr ! ») ; nous jubilons lorsque nous trouvons enfin quelque chose qui ne fonctionne pas
- Nous ressentons de l’impatience vis-à-vis de la livraison de nouvelles fonctionnalités intéressantes que nous avons hâte de tester ; nous ressentons de la joie et de l’excitation lorsqu’elles sont enfin disponibles
- Quand nous sommes pris par des sujets urgents, nous nous languissons de nos projets de fond laissés en souffrance (veille, auto-formation, découverte de nouvelles techniques et outils, exploration d’autres domaines connexes…) ; c’est avec d’autant plus de plaisir que nous les retrouvons une fois la phase de rush passée
- Nous attendons en trépignant la sortie de la dernière version de nos outils de test préférés et nous jetons dessus lorsqu’elle sort enfin.
Le levier 7 au cœur du métier du test ?
Le levier 7 est celui de la curiosité et de l’imprévisibilité. Il regroupe aussi bien les jeux de hasard que le plaisir de lire un roman, ou encore d’ouvrir ses cadeaux de Noël.
Le métier du test est un métier plein de surprises. Sur de nombreux postes, les journées se suivent et ne se ressemblent pas : entre revue des spécifications, conception et maintenance du patrimoine de test, découverte d’anomalies exotiques et défis d’automatisation, les rebondissements ne manquent pas !
La curiosité est un trait de caractère généralement valorisé par les équipes de test en tant que soft skill, au même titre que la rigueur et le souci du détail. La curiosité nous pousse à poser les questions qui, à la manière de chancelantes bougies, permettent d’éclairer les recoins les plus obscurs des besoins métiers et des détails de l’implémentation. Pour cette raison, ce levier semble inséparable du métier du test en général.
En plus d’être utile, la curiosité, associée à l’imprévisibilité, est source de motivation et de plaisir de travailler :
- Nous apprenons avec plaisir les ressorts de métiers liés aux applicatifs que nous avons à tester
- Nous prenons plaisir à acquérir des connaissances techniques et à étendre notre domaine de compétences
- Nous nous réjouissons de comprendre les circonstances étonnantes permettant de reproduire un certain bug
- Nous sommes curieux et enthousiastes de découvrir les fonctionnalités qui vont être demandées par la suite
- Quand nous travaillons en tant que consultants, nous nous demandons avec excitation de quoi sera faite notre prochaine mission.
Conclusion de la série
Nous espérons que cette série vous aura permis de découvrir ou d’expliciter ce qui vous plaît dans le métier du test. Bien comprendre cela est un premier pas déterminant pour concevoir des mécanismes ludiques qui pousseront encore plus loin tous ces facteurs de motivation. Ce travail d’introspection gagne à être fait en équipe si vous prévoyez de mettre en œuvre une démarche de gamification au sein de votre organisation.
Nous vous souhaitons de bonnes réflexions autour du test, de la motivation et de la gamification ! N’hésitez pas à indiquer en commentaire les découvertes intéressantes que vous aurez pu faire sur le sujet !